vendredi 9 octobre 2009

ORDINAIRE 28 (B)

2è lecture : Hé 4,12-13

Évangile : Mc 10,17-30

Plus nous avançons sur le chemin du service, celui du Serviteur, le Christ, plus les exigences du Royaume se font précises : Ce dimanche, les disciples doivent préférer le Christ à tout : l’argent, les richesses que l’on a et les biens que l’on possède; sinon, il est impossible de suivre le Christ. Mais que nous disent les textes bibliques d’aujourd’hui? Quelle Parole de Dieu font-ils naître pour nous, maintenant?

1. « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? » (Mc 10,17) : Telle est la question posé par l’homme riche de l’évangile de Marc, le jeune homme riche de l’évangile de Matthieu (Mt 19,16-30) et le notable de l’évangile de Luc (Lc 18,18-30). N’est-ce pas aussi la question que bien des chrétiens se posent encore aujourd’hui? Que devons-nous faire pour nous sauver? On sait tous que le salut est offert gratuitement par le Christ ressuscité, et pourtant, on se demande encore ce qu’il faut faire pour le mériter?

La réponse de l’évangile est pourtant claire : nous avons simplement à être disciples, et pour être disciples, nous n’avons rien à faire et rien à posséder. Tout nous est donné gratuitement; nous n’avons qu’à accueillir ce qui nous est offert, non pas pour en faire notre propriété…ce serait l’enlever aux autres. C’est tout simplement en vivre avec les autres. Dans le fond, accueillir le Christ dans notre vie, être ses disciples, ce n’est pas le posséder, c’est d’en vivre. On peut bien suivre la Loi à la lettre : « Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fait de tort à personne, honore ton père et ta mère » (Mc 10,19), mais ce n’est pas en suivant la Loi qu’on devient disciple; c’est en suivant le Christ. Et suivre le Christ, c’est beaucoup plus exigent que suivre la Loi du permis et du défendu…car pour suivre le Christ, il faut être libre…libre pour aimer en toute gratuité.

L’exégète français Jean Debruynne écrit : « Un homme accourt vers Jésus et tombe à genoux devant lui. Manifestement cet homme veut bien faire et même faire ce qu’il y a de mieux…mais justement cet homme est dans le faire. Faire c’est encore avoir, c’est avoir fait, avoir réalisé, avoir réussi, avoir des résultats…et l’évangile c’est être. L’évangile ce n’est pas à faire, c’est à vivre. Il ne s’agit pas de collectionner les résultats mais au contraire de se déposséder de tous les bagages qu’on emporte avec soi pour être libre pour suivre Jésus ».

2. « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! » (Mc 10,23) : Cette parole du Christ de l’évangile de Marc s’adresse à tous les disciples. La question qu’on peut se poser est la suivante : Pourquoi est-ce si difficile à ceux qui possèdent des richesses de suivre le Christ? Tout simplement parce que lorsqu’on possède des richesses et que ça devient prioritaire, nous ne sommes pas libres d’aimer en toute gratuité. Saint Marc précise et il est le seul à le faire : « Posant alors son regard sur l’homme riche, Jésus se mit à l’aimer… » (Mc 10,21a). Et là, il l’invite à se déposséder pour le suivre : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel; puis viens et suis-moi » (Mc 10,21b). Mais comme l’homme riche n’est pas libre d’aimer, l’évangéliste ajoute : « Mais lui, à ces mots, devient sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens » (Mc 10,22).

Mais attention! Le Christ ne condamne pas les riches et leurs biens. Il leur demande tout simplement d’être libre pour aimer. C’est la seule façon de le suivre et pour y arriver, c’est une question de priorité. Louis Vigée disait : « Je suis riche des biens dont je sais me passer ». Et pour montrer jusqu’à quel point l’argent, la richesse et le pouvoir peuvent être un obstacle sur la route du Christ à suivre, saint Marc utilise l’image de ces petites portes des édifices publics de l’époque qui permettaient aux hommes de passer, mais qui empêchaient leur monture d’y pénétrer, ces petites portes qu’on appelait : le shah d’une aiguille, comme on peut en voir encore une dans la basilique de la Nativité à Bethléem. Il écrit : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Mc 10,25). Puisqu’il est presque impossible à un chameau de se plier pour passer par la petite porte, il est donc impossible à ceux qui possèdent des richesses et qui en font leur priorité d’entrer dans le royaume.

3. « Pierre se mit à dire à Jésus : Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre » (Mc 10,28) : De fait, Pierre fait partie de ces quelques disciples qui ont renoncé à tout pour suivre le Christ. Ceux-là l’ont préféré à tous leurs biens pour le suivre. Ils ont effectivement laissé soit leurs filets, soit leur barque avec leur père Zébédée et leurs ouvriers, soit le bureau des taxes, afin de partir à la suite du Christ (Mc 1,16-20 & 2,13-14). Et c’est là qu’arrive le renversement de la situation évangélique. Lorsqu’on préfère le Christ à tout, lorsqu’on renonce à nos biens, lorsqu’on se dépossède de nos richesses : « Celui qui aura quitté à cause de moi et de l’Évangile, une maison ou des frères ou des sœurs ou une mère ou un père ou des enfants ou une terre » (Mc 10,29), celui-là ne s’appauvrit pas, il ne les perd pas, il les reçoit dès maintenant au centuple : « des maisons et des frères et des sœurs et des mères et des enfants et des terres, avec, bien sûr, des persécutions et, dans le monde à venir, la vie éternelle » (Mc 10,30). Ce qui veut dire que préférer le Christ, le choisir, ce n’est pas abandonner ses parents ou ses richesses, c’est tout simplement être libre face à ses proches et par rapport à ses richesses. Être libre, c’est s’en remettre à Dieu pour aimer. Saint Paul ne dit-il pas dans sa 1ère lettre aux Corinthiens : « Même si je distribuais tous mes biens aux affamés, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Co 13,3). Saint Marc ajoute aussi les persécutions par souci de réalisme pour signifier que le chemin pascal du Christ est aussi celui de ses disciples.

En terminant, la Parole de Dieu qui peut être proclamée aujourd’hui, doit nécessairement tenir compte de notre réalité humaine contemporaine. Sinon, ce serait une parole non vivante, une lettre morte, figée dans le ciment de l’histoire, qui ne pourrait nous interpeller aujourd’hui. Si c’était le cas, ça contredirait ce court extrait de la lettre aux Hébreux que nous avons ce dimanche et qui dit : « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, dominé par son regard; nous aurons à lui rendre des comptes » (Hé 4,12-13).

L’exégète français Alain Marchadour écrit : « La parole de Dieu n’est pas une écriture morte, figée une fois pour toutes dans le passé où elle a été prononcée. La parole de Dieu précède chacun et vient à sa rencontre pour engager un dialogue, éveiller le désir, entraîner sur le chemin de la conversion…Cette parole révèle nos fragilités, mais en même temps, elle apporte avec elle lumière et force pour nous faire aller de l’avant. Elle dénonce aussi nos pesanteurs; elle les conteste et provoque chacun à la conversion ».

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette