29e Dimanche du temps ordinaire (B)
18 octobre 2009
Réf. Bibliques : Évangile : Mc 10,35-45
Les premiers seront les derniers
Sur la route vers Jérusalem, après la 1ère annonce de la mort-résurrection de Jésus (Mc 8,31), où le Christ-serviteur de l’évangile de Marc invite Pierre à le suivre, mais que Pierre refuse de prendre le même chemin que lui, et après la 2e annonce de la mort-résurrection de Jésus (Mc 9,31), où le Christ-serviteur invite tous ses disciples à le suivre, pendant qu’eux s’interrogent à savoir qui est le plus grand parmi eux…nous voici encore aujourd’hui, sur la route, de plus en plus proche de Jérusalem, où le Christ-serviteur, ou plutôt esclave cette fois, annonce pour une 3e fois le chemin qui est le sien et que les Douze devront suivre : « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes; il le condamneront à mort et le livreront aux païens, ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils le flagelleront, il le tueront et, trois jours après, il ressuscitera » (Mc 10,33-34). Encore une fois, ses disciples les plus proches : Jacques le frère du Seigneur et Jean le disciple que Jésus aimait ne comprennent toujours pas leur mission; ils veulent le pouvoir et exigent les premières places : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire » (Mc 10, 37). Que répondre à des proches collaborateurs qui ne comprennent rien? « Vous ne savez pas ce que vous demandez… » (Mc 10,38a). Mais la question qu’on doit se poser aujourd’hui dans notre Église : Nous, comprenons-nous vraiment la mission qui est la nôtre? Pour y répondre, il nous faut redéfinir la mission du Christ aujourd’hui…Quelle est-elle?
1. Une Église pauvre : Le théologien français Gérard Bessière écrit : « Chaque fois que je vais à Cahors, je regarde sur la colline altière le château de Mercuès qui fut durant des siècles la résidence des évêques. Symbole! Ces hommes d’Église étaient aussi des seigneurs, ils avaient terres et vassaux. C’étaient de saints personnages, parfois. Mais que la parole de Jésus semble lointaine : Celui qui veut être le premier sera le serviteur de tous. Je sais, il ne faut pas oublier le contexte historique mais comment ne pas s’étonner que les paroles de Jésus aient eu de telles postérités? » J’ai le goût d’ajouter : Mais qu’en est-il aujourd’hui? Ne sommes-nous pas comme Église dans une situation semblable : trop riches! Trop riches de nos propriétés, de nos musées, de nos églises, de nos basiliques, de nos cathédrales, de notre pouvoir, de notre savoir et de notre avoir? Je peux comprendre que nous héritons d’une longue tradition ecclésiale, mais comment ne pas s’étonner que nous en soyons encore là aujourd’hui? L’évangile de Marc nous le rappelle : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres; les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous » (Mc 10,42-44).
Je ne suis pas sûr que cette parole d’évangile se réalise dans notre Église du 21e siècle. Gérard Bessière continue : « Qu’on ne dise pas que c’est une question d’esprit! Jésus oppose le fonctionnement du pouvoir dans les sociétés et le régime original de l’autorité dans la communauté chrétienne. Que de fois le gouvernement de l’Église s’est calqué sur l’organisation, les méthodes et les habitudes des royaumes! La parole de Jésus demeure, gênante : parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Il faudra donc créer. Comment cela se fera-t-il? Je ne le sais pas. Ce dont je suis sûr, c’est que le monde entier retiendra son souffle le jour où les chrétiens de tous grades, à commencer par les plus en vue, se feront petits et serviteurs ».
2. Une Église de serviteurs (d’esclaves) : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45). Si la mission du Christ en est une de service, celle des disciples qui sont son corps doit l’être aussi. Alors pourquoi le pouvoir est-il rattaché au ministère dans l’Église? Puisque ministre et ministère signifient serviteur et service, en grec : diakonia. N’y a-t-il pas là déviation dans l’exercice du ministère pour les ministres de l’Église? Et si je relie bien l’extrait de l’évangile de Marc que nous avons aujourd’hui, c’est encore plus que ça ce qui nous est demandé : Nous devons être, non seulement des serviteurs, en grec : diakonos, mais des esclaves, en grec : doulos : « Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous » (Mc 10,44). Quelle est la différence entre un serviteur et un esclave? Selon le prêtre français Léon Paillot : « L’idée d’esclavage est plus forte que celle de serviteur. Le service est un acte libre et volontaire, alors que l’esclave n’a pas de volonté propre, il est totalement dépendant ».
Le Dieu de Jésus Christ serait-il esclave? Oui, bien sûr, car il dépend de nous. Il ne peut être reconnu que par les hommes et les femmes qu’il a créés par amour. Ce qui signifie que notre Dieu est dépendant de l’Amour qu’il nous porte. Sa seule puissance est d’aimer et il ne peut rien sans nous. Si Dieu est créateur, il ne peut l’être qu’à travers nous. Et c’est pourquoi la mission de l’Église consiste à donner la vie par amour à d’autres, et le seul modèle que nous ayons, c’est le Christ ressuscité. Donc, l’Église n’a pas à mettre des obstacles sur la route pour empêcher les pauvres, les blessés de la vie et les marginaux de passer; au contraire, l’Église doit inviter les riches, les bien-pensant et les bien-portant à se dépouiller de leur avoir, de leur savoir et de leur pouvoir, pour aider les autres, les moins bien nantis à avancer sur la route du Royaume. L’Église doit nous apprendre à aimer dans la gratuité; c’est sa seule façon de dire Dieu et de servir l’Homme.
En terminant, je vous propose cette belle réflexion du belge Gabriel Ringlet, dont le titre est le suivant : Dieu en état de service : « Quand Dieu célèbre la première messe, et quand il veut adorer : C’est mon corps et c’est mon sang, il tombe à genoux aux pieds de l’homme et lui lave les pieds…Le service religieux n’est désormais service de Dieu, que s’il est service de l’homme. Non seulement au service de son âme, mais aussi de ses pieds, de tout son corps, de tout lui-même, de la tête aux pieds. Il s’agira donc moins de servir la messe, que de servir l’homme ».
Raymond Gravel ptre
Diocèse de Joliette