vendredi 6 novembre 2009

Ordinaire 30 (B)

Ordinaire 30 (B) : 25 octobre 2009

Réf. Bibliques : Évangile : Mc 10,46-52

Dans l’évangile d’aujourd’hui, on approche de Jérusalem, lieu où se vit l’événement fondateur de notre foi chrétienne; on fait une halte à Jéricho, et voilà qu’on assiste au dernier miracle de Jésus dans l’évangile de Marc : celui d’un aveugle qui recouvre la vue ou plutôt celui d’un mal croyant qui devient disciple du Christ. Si l’évangéliste Marc situe son récit de Bartimée, l’étranger, immédiatement après celui des disciples les plus proches de Jésus, Jacques et Jean qu’on avait dimanche passé, c’est qu’il a voulu dire quelque chose aux chrétiens de sa communauté, et par le fait même, à nous aussi aujourd’hui. Quels messages peut-on en tirer?

1. Un disciple n’est jamais arrivé : Qu’est-ce que je veux dire par là? Dans la foi chrétienne et dans notre vie de croyant, il ne faut jamais se croire arriver ou encore prendre pour acquis nos découvertes, nos connaissances, nos conversions, notre foi et notre espérance chrétienne. Pour bien comprendre cette réalité, il nous faut mettre en parallèle le récit d’aujourd’hui et celui qui le précède de dimanche passé. Je m’explique : Nous sommes en route vers Jérusalem. Jésus marche devant, accompagné de ses disciples et suivi d’une foule nombreuse (Mc 10,46a)…

1) Tous à coup, on voit quelqu’un, un étranger, un exclus, un mendiant aveugle, assis sur le bord de la route (Mc 10,46b). Dimanche passé, le récit de Marc commençait en disant que 2 disciples, les plus proches de Jésus, marchaient avec lui (Mc 10,35a). Donc, l’exclus, l’étranger est assis et ne peut pas bouger, tandis que les disciples, eux, sont debout et peuvent marcher.

2) Apprenant par la foule que c’était Jésus de Nazareth qui passait par là, l’aveugle se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi! » (Mc 10,47). La semaine passée, les 2 disciples disent à Jésus : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande » (Mc 10,35b).

3) Dans les deux cas, Jésus intervient de la même façon : À Bartimée, il dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi? » (Mc 10,51a); aux 2 disciples Jacques et Jean, Jésus dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous? » (Mc 10,36).

4) L’aveugle répondit : « Rabbouni (comme Marie-Madeleine au matin de Pâques), que je voie! » (Mc 10,51b). Les disciples, eux, demandent à Jésus : « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire » (Mc 10,37).

N.B. Il y a comme un renversement de situation dans ces 2 récits : Au début, le mendiant aveugle est assis, immobile sur le bord de la route. Sa très grande foi le fait crier, même si la foule veut le faire taire, puisqu’il crie de plus belle. Et lorsque appelé par le Christ et encouragé par la même foule qui voulait le faire taire, il abandonne sa seule sécurité qu’il possède, son manteau, bondit et court vers celui qui l’appelle (Mc 10,50). À sa demande, la guérison est totale : il devient disciple : « Jésus lui dit : Va, ta foi t’a sauvé. Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route » (Mc 10,52). Les 2 disciples, quant à eux, sont debout; ils accompagnent le Maître. Ils se croient donc importants. Ils prennent pour acquis le chemin parcouru, comme s’ils étaient arrivés. Ils demandent à s’asseoir. La réponse du Christ est claire : « Vous ne savez pas ce que vous demandez » (Mc 10,38a). Ce qui veut dire : Vous ne comprenez rien! Et là, c’est l’exclusion : « Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques et Jean » (Mc 10,41).

Ce qu’il nous faut retenir de tout ça aujourd’hui, c’est 3 choses :

1) Être disciple du Christ ne donne aucun privilège, aucun titre honorifique autre que celui de serviteur ou même d’esclave.

2) Un chrétien n’est jamais arrivé, même si ça fait longtemps qu’il est disciple. Aussi, il n’est pas plus chrétien que celui qui vient à peine de se convertir. Rappelons-nous la parabole des ouvriers de la onzième heure dans l’évangile de Matthieu (Mt 20,1-16)

3) La foi n’est jamais acquise : Bartimée l’aveugle s’adresse d’abord au fils de David, donc celui qu’on croyait être le libérateur politique du peuple d’Israël, du pouvoir romain. Par ailleurs, comme il demande à voir, donc à croire, il reconnaît en Jésus, non plus ce libérateur politique, mais bien le Maître, le Rabbi, et mieux encore le Rabbouni de Marie-Madeleine au matin de Pâques (Jn 20,16). Jacques et Jean, eux, faisant partie des Douze et croyant pouvoir obtenir un privilège, puisqu’ils ont suivi le Christ depuis longtemps, deviennent aveugles, à leur tour…Ils ne comprennent pas la mission du Christ qui est aussi la leur.

2. Mais nous aujourd’hui : Le théologien français Gérard Bessière écrit : « Et nous? Ne sommes-nous pas souvent aveugles, enfermés en nous-mêmes? Ne faudrait-il pas jeter le manteau, nous délester de nos protections, nous risquer dans le noir vers Jésus pour être soudain illuminés de sa lumière? » Selon l’exégète français Jean Debruynne, 2 chemins nous sont proposés dans cet évangile : Le chemin de la confiance et le chemin de la lumière :

1) Le chemin de la confiance : Au début du récit, Bartimée est assis au bord de la route. Il est posé là comme une poubelle. Sans doute que les gens ne le voyaient même plus. Mais parce que quelqu’un, le Christ, lui fait confiance, l’appelle, alors tout devient possible! Jean Debruynne écrit : « Il suffit d’une marque de confiance pour que celui qui était assis se lève, pour que celui qui était écrasé, humilié, méprisé se retrouve debout ». Et là, ce n’est plus l’aveugle qui est rejeté, c’est la seule protection qu’on lui a donné : son manteau. Ce qui signifie qu’on peut même se libérer de ce qui nous a toujours identifié et il nous faut le faire, si on veut avancer sur la route de la confiance

2) Le chemin de la lumière : L’autre chemin que nous ouvre cet évangile, c’est celui de la lumière. Comme chrétien, comme disciple du Ressuscité, nous ne pouvons demander la richesse, le bien-être, les récompenses…Nous devons demander à voir, c’est-à-dire à croire. Jean Debruynne écrit : « Marc nous indique ainsi que la foi n’est pas un savoir mais un regard pour voir. Voir et croire dans l’Évangile deviennent un même chemin ». Aujourd’hui, dans notre Église, lorsqu’on refuse de voir le monde dans lequel on vit, lorsqu’on refuse d’accueillir les réalités nouvelles qui sont les nôtres, lorsqu’on exclut des personnes, sous prétexte qu’elles ne correspondent pas aux étiquettes qu’on veut leur imposer, ne sommes-nous pas des aveugles nous aussi? Ne refusons-nous pas le chemin de lumière qui nous est proposé par le Christ de l’évangile de Marc?

Bartimée dans l’évangile qui demande à voir, voit, croit et marche sur le chemin de la lumière, de sorte que l’évangéliste ajoute : « Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route » (Mc 10,52b). Demandons donc à voir nous aussi comme le Bartimée de saint Marc. Jean Debruynne termine en disant : « Ouvrir les yeux, c’est déjà se mettre en route! Pour voir Dieu, ne fermez pas les yeux, ouvrez-les! »

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette