vendredi 6 novembre 2009

Toussaint 2009

Toussaint (B) : 1er novembre 2009

Réf. Bibliques : 1ère lecture : Ap 7,2-4.9-14

2è lecture : 1 Jn 3,1-3

Évangile : Mt 5,1-12a

Ce dimanche, on laisse le temps ordinaire pour célébrer la fête de tous les saints, non seulement ceux et celles qui sont reconnus officiellement comme tel et qui ont leurs noms inscrits sur le calendrier liturgique, mais aussi tous ces hommes et toutes ces femmes de nos familles, de nos amis, souvent anonymes, qui ont vécu tout simplement leur histoire avec ses hauts et ses bas, qui ont travaillé, qui ont aimé, qui ont donné, qui ont su transmettre des valeurs humaines à leurs descendants. On les fête tous et toutes aujourd’hui…C’est la seule journée qui leur est consacrée. Il ne s’agit pas de relativiser la sainteté. Non! Il s’agit seulement de reconnaître toutes ces luttes, tous ces combats, tous ces engagements d’une multitude d’hommes et de femmes qui ont cherché, en leur temps, à rendre le monde plus beau, plus juste et plus fraternel. En un mot, c’est la fête de ceux et celles qui ont humanisé notre monde. Mais, de ces gens anonymes, que nous disent les textes bibliques qui nous sont proposés aujourd’hui?

1. Ils sont 144,000 (Ap 7,4) : Apocalypse signifie révélation. Comme tous les passages de ce livre, celui qu’on a aujourd’hui est codé. Pourquoi? Parce qu’il a été écrit à des moments difficiles où seuls des initiés pouvaient en comprendre le sens. Il y a beaucoup de symboles dans l’Apocalypse : les chiffres : 4 est le chiffre de l’univers terrestre : les 4 points cardinaux, les 4 anges pour les 4 coins de la terre et de la mer…donc, le monde entier. 12 et son multiple 144 signifient la totalité et 1,000 la multitude innombrable…ce qui fait 144,000 serviteurs de Dieu, c’est-à-dire toute l’humanité, marqués du sceau, du baptême chrétien (Ap 7,3-4).

Les couleurs : le blanc est la couleur de la lumière du soleil, de la divinité, des rites de passage, de la pureté : « Après cela, j’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main » (Ap 7,9). Le trône est le siège de Dieu et l’Agneau représente Jésus pur et doux, victime immolé pour les humains.

Mais attention! On a longtemps compris que l’auteur de l’Apocalypse identifiait les élus aux seuls martyrs du 1er siècle, puisqu’il écrit au temps des persécutions et il parle de la grande épreuve et des vêtements lavés et purifiés dans le sang de l’Agneau (Ap 7,14)…mais, il n’en est rien. La grande épreuve c’est le lot de toutes les vies humaines qui sont faites de beautés mais aussi de fragilités, de joies et de peines, de bonheur mais aussi de souffrances et de malheur. Et laver et purifier ses vêtements dans le sang de l’Agneau, c’est adhérer tout simplement à la foi chrétienne, en assumant son humanité jusqu’au bout comme le Christ. Les élus sont donc tous les témoins de la foi et non pas seulement les martyrs du 1er siècle.

2. L’amour parental de Dieu (1 Jn 3,1) : L’expérience de l’amour des humains a permis de définir le Dieu amour, et en découvrant ce Dieu amour, nous avons aussi compris notre filiation divine : « Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes » (1 Jn 3,1a). Et c’est pourquoi le monde, c’est-à-dire ceux et celles qui ne croient pas, ne peut nous connaître comme fils et filles de Dieu, puisqu’il ne connaît pas Dieu et n’a pas fait l’expérience de l’amour : « Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître : puisqu’il n’a pas découvert Dieu » (1 Jn 3,1b)

Il est vrai que nous sommes enfants de Dieu, mais ce n’est pas évident, puisque nous sommes, comme tout le monde, des êtres matériels : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » (1 Jn 3,2a). Par ailleurs, nous sommes promis à la résurrection comme le Christ et c’est là notre espérance et non pas notre certitude : « Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur » (1 Jn 3,2b-3).

3. Les Béatitudes : la charte des petits et des pauvres (Mt 5,1-12a) : En écrivant : « Il gravit la montagne » (Mt 5,1), Matthieu évoque Moïse au Sinaï. Pour la communauté de Matthieu, l’allusion est claire : Jésus est le nouveau Moïse et les Béatitudes sont la nouvelle Loi qui s’adresse d’abord aux pauvres, aux petits, aux exploités, aux méprisés, aux exclus, aux persécutés, aux blessés de la vie. Au nombre de 8, ces béatitudes sont à la fois un revirement de situation pour ceux qui sont concernés et une promesse de bonheur pour les autres qui, en les appliquant, changent la situation des personnes concernées.

Les 3 premières : pauvres de cœur, doux, ceux qui pleurent…marquent davantage un manque et l’expérience vécue de ce manque, et ceux qui les vivent ces béatitudes, c’est-à-dire ceux qui savent reconnaître leur pauvreté et celle des autres, ceux qui sont doux et font preuve de douceur envers les autres et ceux qui pleurent mais qui savent consoler les autres…ceux-là seront comblés : ils renverseront la réalité des pauvres, des sans défense et des affligés.

La béatitude centrale : faim et soif de justice…exprime une attitude profonde par rapport à la première valeur de toute la Bible, qui consiste à rétablir la justice pour les autres d’abord, afin que nos droits soient respectés. C’est la seule façon que Dieu peut rassasier ceux et celles qui éprouvent une telle faim et une telle soif. Ce désir de justice ne peut être orienté vers soi, s’il n’est pas d’abord tourné vers l’autre, les autres.

Les 3 béatitudes suivantes : les miséricordieux, les cœurs purs et les artisans de paix…indiquent davantage le trop-plein d’amour qui doit déborder sur les autres et qui nous fait ressembler au Christ et à Dieu : « Ceux-là verront Dieu et seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,8.9).

Enfin, la 8è qui est dédoublée en ils d’abord et en vous ensuite…exprime la dure réalité de la communauté de Matthieu qui vit les persécutions romaines de la fin du 1er siècle et les insultes, à cause de sa foi au Christ de Pâques. Pour Matthieu, la récompense ne peut être que plus grande dans les cieux (Mt 5,12a).

En cette fête de la Toussaint, l’exégète Charles Wackenheim écrit : « Notre monde regorge d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards qui pleurent : de douleur, de solitude, de misère. Heureux sont-ils, s’ils font de leurs larmes un aveu, un cri, un appel au secours, une protestation, une parole d’espoir capable de sécher les larmes d’un plus malheureux qu’eux. C’est ainsi que Dieu les console : par la compassion. Du même coup, nous apprenons à distinguer le bonheur authentique du divertissement tapageur et la bonne humeur du sarcasme. Le chrétien aime la détente et l’humour, qui conjurent l’esprit de sérieux, cette maladie de l’esprit et de l’âme : Un saint triste est un triste saint. La fête de la Toussaint se nourrit de la joie de Dieu offerte aux hommes. Tel est le secret de la transformation du monde à laquelle nous sommes attelés ».

En terminant, comme la fête d’aujourd’hui concerne surtout les saintes et les saints anonymes de l’histoire, reprenons ces belles paroles du prêtre compositeur Robert Lebel : Ils sont nombreux les bienheureux : « Ils sont nombreux les bienheureux qui n’ont jamais fait parler d’eux, et qui n’ont pas laissé d’image…Tous ceux qui ont, depuis des âges, aimé sans cesse et de leur mieux, autant leurs frères que leur Dieu! Ceux dont on ne dit pas un mot, ces bienheureux de l’humble classe, ceux qui n’ont pas fait de miracle…Ceux qui n’ont jamais eu d’extase, et qui n’ont laissé d’autre trace, qu’un coin de terre ou un berceau. Ils sont nombreux ces gens de rien, ces bienheureux du quotidien, qui n’entreront pas dans l’histoire…Ceux qui ont travaillé sans gloire, et qui se sont usé les mains, à pétrir, à gagner le pain. Ils ont leurs noms sur tant de pierres, et quelquefois dans nos prières, mais ils sont dans le cœur de Dieu! Et quand l’un d’eux quitte la terre, pour gagner la maison du Père, une étoile naît dans les cieux… ÉTERNELLEMENT HEUREUX! DANS SON ROYAUME! »

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette