Ordinaire 32 (B) : 8 novembre 2009
Réf. Bibliques : 1ère lecture : 1 R 17,10-16
2è lecture : Hb 9,24-28
Évangile : Mc 12,38-44
Si j’avais à donner un titre à l’évangile d’aujourd’hui, ce serait le suivant : La richesse des pauvres ou la générosité du cœur. Car c’est bien de cela dont il est question en 1ère lecture et dans l’évangile d’aujourd’hui : c’est l’exemple concret d’une pauvre veuve, exemple qu’éclaire, en 1ère lecture, le grand cœur de la veuve de Sarepta qui offre ses dernières provisions à Élie, le prophète de Dieu. Ce que ces textes nous apprennent, c’est que Dieu est à l’œuvre dans les plus petits gestes de partage, et ces gestes, les pauvres savent les faire mieux encore que les riches. C’est pourquoi, ils sont les préférés de Dieu. Précisons d’abord ce que sont la pauvreté et la richesse :
-Pauvreté : Une personne démunie matériellement ou psychologiquement.
Une personne qui ne possède ni le pouvoir, ni l’avoir.
Une personne marginalisée par la majorité.
Une personne qu’on exploite, qu’on condamne et qu’on exclut.
-Richesse : Quelqu’un qui possède de grands biens.
Quelqu’un qui exerce le pouvoir.
Quelqu’un en autorité, qui décide pour les autres.
Ce peut être quelqu’un de bien.
Mais pourquoi la générosité convient-elle mieux aux pauvres qu’aux riches?
1. La générosité est humble : Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ de Marc accuse directement les scribes et les pharisiens d’être des orgueilleux qui cherchent uniquement à paraître : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les places d’honneur dans les dîners » (Mc 12,38-39). Dans le fond, ils sont tellement préoccupés par le paraître qu’ils ne peuvent être autrement que ce qu’ils laissent paraître, c’est-à-dire des personnages importants, bien en vue, qui ne peuvent décevoir les autres et donnent beaucoup : « Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes » (Mc 12,41). Ça sonne fort…ça fait pesant dans le tronc. Mais ne dit-on pas que la générosité de fait pas de bruit? Il n’y a pas d’humilité dans ça : il faut que tout le monde voit que le riche donne beaucoup d’argent aux autres…cf. Guy Laliberté et Céline Dion. Et pourtant, dit l’évangile : « Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes » (Mc 12,42).
Mais pourquoi une veuve? Parce qu’au temps de l’évangéliste, les veuves et les orphelins étaient parmi les plus pauvres de la société de l’époque. Imaginez une femme avec 3 jeunes enfants qui perd son mari. Elle n’a aucun droit et pire encore, on peut même la chasser de son domicile et elle se ramasse à la rue. Elle devient la propriété des frères de son mari décédé. S’appliquait pour eux le devoir du lévirat. Mais comme ces hommes étaient souvent eux-mêmes mariés, ils pouvaient se soustraire à ce devoir…mais la veuve demeurait toujours leur propriété et elle ne pouvait se remarier sans le consentement des frères du défunt à qui elle appartenait. Ce n’est pas pour rien que les premiers chrétiens dénonçaient avec vigueur cette situation, mais ça a pris quelques siècles avant que ça change.
La veuve donc, qui met deux petites piécettes dans le tronc du Temple, elle ne le fait pas annoncer dans les journaux; elle le fait tout simplement avec le cœur. C’est la générosité du cœur, la générosité dans toute sa gratuité. Une générosité qui est humble et sincère : « Cette pauvre veuve, dit Jésus, a mis dans le tronc plus que tout le monde » (Mc 12,43). Et pourquoi? « Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc 12,44).
2. La générosité est honnête : Dans l’évangile, le Christ de Marc accuse les scribes et les pharisiens d’être des voleurs : « Ils dévorent les biens des veuves » (Mc 12,40a). Une question surgit : de quelle façon ces hommes de pouvoir volent-ils les pauvres, en l’occurrence les veuves? En permettant que ces femmes vivent dans la misère. On leur enlevait même leur maison, sous prétexte que c’était la loi du lévirat, et qu’une femme ne pouvait être propriétaire de biens matériels. Dans le fond, ces hommes avaient beau donner beaucoup d’argent au Temple et même à des œuvres caritatives, ils s’accaparaient ces sommes de façons injustes pour les distribuer ensuite. Il ne peut donc pas y avoir générosité de leur part, car la générosité est honnête; elle ne peut être le fruit d’une injustice ou le résultat d’une exploitation des pauvres.
Rappelez-vous ce que disait, au 4è siècle, saint Basile de Césarée : « À qui fais-je du tort, dit l’avare, en gardant ce qui m’appartient? Mais quels sont, dis-le moi, les biens qui t’appartiennent? D’où les as-tu tirés? Tu ressembles à un homme qui, prenant place au théâtre, voudrait empêcher les autres d’entrer et entendrait jouir seul du spectacle auquel tous ont droit. Tels sont les riches : les biens communs qu’ils ont accaparés, ils s’en décrètent les maîtres, parce qu’ils en sont les premiers occupants. Si chacun ne gardait que ce qui est requis pour ses besoins courants, et que le superflu il le laisse aux indigents, la richesse et la pauvreté seraient abolies… »
3. La générosité est sincère et vraie : En parlant des scribes, le Christ de Marc dit : « Ils affectent de prier longuement » (Mc 12,40b), pour montrer leur hypocrisie. Combien se cachent derrière la religion pour justifier leur intransigeance et leur intolérance? N’y a-t-il pas de ces attitudes, encore aujourd’hui, chez les scribes et les pharisiens du 21è siècle? Quand, au nom de la religion, on condamne les personnes qui vivent un échec dans leur mariage, on exclut les homosexuels qui essaient tout simplement d’assumer leur réalité ou encore, on refuse la pleine égalité entre les hommes et les femmes dans l’Église, ne sommes-nous pas comme ces scribes de l’évangile? Et pourtant, l’évangile est là…qu’en faisons-nous?
Dans la parabole du riche et du pauvre Lazare, que seul saint Luc raconte, n’y a-t-il pas un message clair à ce sujet. Quand le riche se retrouve dans de grandes souffrances parce qu’il a ignoré durant sa vie le pauvre Lazare à côté de lui, il dit à Abraham : « Je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères. Qu’il les avertisse pour qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture » (Lc 16,27-28), la réponse est limpide : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » (Lc 16,29). Mais le riche insiste : « Non, Abraham, mon père, mais si quelqu’un vient à eux de chez les morts, ils se convertiront » (Lc 16,30). La réponse est on ne peut plus claire : « S’ils n’écoutent pas Moïse, ni les prophètes, même si quelqu’un ressuscite des morts ils ne seront pas convaincus » (Lc 16,31).
En effet, le Christ est ressuscité d’entre les morts, et il y a encore aujourd’hui, un milliard d’humains sur la planète qui souffrent de la faim. Que d’hypocrisie de la part des scribes et des pharisiens de ce monde qui se cachent derrière la prière pour justifier leur inaction. En 1ère lecture aujourd’hui, nous avons un bel exemple où la dignité humaine ne se mesure pas selon notre appartenance à un peuple ou à une Église ou encore au statut social de quelqu’un. Dieu agit et se reconnaît à travers une femme, païenne, veuve par-dessus le marché, qui a pour mission de nourrir son prophète. C’est par elle qu’Élie peut continuer sa mission. En 2009, en qui Dieu se reconnaît-il et par qui agit-il dans notre société et dans notre Église?
En terminant, un mot sur la 2è lecture aujourd’hui : Non à la religion! Oui à la foi! Quand je lis cet extrait de la lettre aux Hébreux, j’ai l’impression parfois que la religion passe souvent, malheureusement, à côté de la foi. Dans sa comparaison du Christ de la nouvelle Alliance avec le grand prêtre de l’ancienne Alliance, l’auteur de la lettre aux Hébreux écrit explicitement : « Le Christ n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien » (Hb 9,25). Alors, comment se fait-il que dans la religion, on dit répéter le sacrifice du Christ à chaque semaine, et même à chaque jour? Se peut-il que la messe ne soit pas un sacrifice, mais bien une célébration, une fête de
Convertissons-nous donc à l’évangile! C’est urgent! C’est une question de confiance et d’espérance pour tous les croyants et c’est une question de justice et de dignité pour tous les humains.
Bonne réflexion! Raymond Gravel ptre
Bonne Homélie! Diocèse de Joliette