1ère lecture : Dt 4,1-2.6-8
2è lecture : Jc 1,17-18.21b-22.27
Évangile : Mc 7,1-8.14-15.21-23
Après avoir fait une incursion depuis 5 semaines dans l’évangile de Jean, sur le discours sur le Pain de Vie, on revient aujourd’hui à saint Marc, l’évangéliste de l’année B, pour entendre une Parole, l’écouter attentivement, l’interpréter et l’actualiser, afin de nous nourrir pour la mettre en pratique. Malheureusement, comme c’est souvent le cas en liturgie, on a coupé des versets importants dans l’évangile qui illustraient les messages que l’évangéliste a voulu faire passer à sa communauté. On a fait la même chose dans la lettre de saint Jacques dont nous avons un extrait aujourd’hui. En lisant ces textes bibliques, je me suis demandé : Quel visage de Dieu se dessine à travers
1. Religion//Foi : Le prêtre français François Varone disait qu’il fallait sans cesse passer de la religion à la foi. Pourquoi? Parce que la religion finit par étouffer la foi jusqu’à la faire mourir. Mais y a-t-il opposition entre les deux ou bien complémentarité? Léon Paillot écrit : « Religion ou foi? Religion et foi? Je crois que Jésus indique des priorités : ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Certes, la foi à l’état pur n’existe pas : elle se matérialise dans des attitudes, des sentiments, des gestes, des décisions. Dans l’Église, il y a des rites, des dévotions, des formulations dogmatiques, des structures qui peuvent varier selon les époques et les lieux. C’est normal. Mais l’important, c’est de ne pas faire passer ces formes changeantes avant l’essentiel, qui est la foi, que ces formes sont chargées d’incarner. L’appareil religieux n’est pas le but, mais un moyen qui nous indique la direction pour aller vers l’Autre ».
Si je comprends bien l’évangile d’aujourd’hui, ce que le Christ dénonce, c’est de mettre la religion au-dessus de la foi. Qu’est-ce qui est le plus important? Manger avec des mains sales qui ont travaillé, secouru, réconforté? Ou bien manger avec des mains nettes qui n’ont rien fait pour les autres? Vous allez me dire : Oui! Mais on peut se salir les mains et les laver avant de manger…C’est évident! Mais là n’est pas la question soulevée par Marc. Ce que l’évangéliste veut faire comprendre à ses lecteurs, c’est que les règles de pureté sont devenues tellement importantes que les pharisiens et les scribes n’osent plus rien faire pour ne pas contracter une impureté. C’est la règle, la religion et ses rites qui prend le dessus sur la foi et sa pratique.
L’exemple que saint Marc donne et qui est coupé dans le lectionnaire est le suivant : Jésus dit aux pharisiens et aux scribes : « Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu (le commandement de l’Amour) pour garder votre tradition (v. 9). Car Moïse a dit : Honore ton père et ta mère (v. 10) (ce qui signifie : occupe-toi d’eux s’ils ont besoin d’assistance). Mais vous, vous dites : Si quelqu’un dit à son père ou à sa mère : le secours que tu devais recevoir de moi est qorban, c’est-à-dire offrande sacrée (v. 11), vous lui permettez de ne plus rien faire pour son père ou pour sa mère (v. 12); vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre (v. 13) » (Mc 7,9-13). Ce n’est pas pour rien que le Christ de l’évangile traite les pharisiens et les scribes d’hypocrites en citant le prophète Isaïe dans la version grecque de
Encore aujourd’hui, ne fait-on pas des choses semblables en Église? Au nom de la tradition, lorsqu’on prive des communautés de l’eucharistie dominicale, sous prétexte qu’on ne peut changer les règles d’ordination des prêtres, ne fait-on pas passer la règle devant l’essentiel? Lorsqu’on refuse aux femmes la pleine égalité avec les hommes dans l’Église, nous nous rendons complices d’une grave injustice qui est pourtant corrigée par les sociétés civiles évoluées. Comment se fait-il qu’on se cache derrière la tradition pour justifier l’injustifiable? Un autre exemple moins grave : lorsqu’à la fin d’une célébration de mariage avec eucharistie, le samedi après-midi, où on me demande si ça compte pour le dimanche, j’ai ben de la misère à répondre à ça! Qu’est-ce qui est l’essentiel? Remplir un précepte ou venir célébrer sa foi? Mais au fait : qu’est-ce que l’essentiel dans la foi chrétienne?
2. L’essentiel : D’après les lectures que nous avons aujourd’hui, 3 choses sont essentielles :
1) La liberté : Dieu nous veut libre…Il est proche de nous; il fait histoire avec nous. Sa Parole nous fait vivre; elle rétablit la justice. Ne sont-ce pas les propos de l’auteur du livre du Deutéronome? « Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons? Et quelle est la grande nation dont les commandements et les décrets soient aussi justes que toute cette Loi que je vous présente aujourd’hui? » (Dt 4,7-8)
2) La pratique : En 2è lecture aujourd’hui, saint Jacques nous dit : « Accueillez donc humblement la parole de Dieu semée en vous; elle est capable de vous sauver » (Jc 1,21). Mais cette Parole de Dieu qui germe en nous, on ne peut pas l’écouter seulement; il faut la mettre en pratique : « Mettez
3) L’Amour : Le Christ de l’évangile de Marc reproche aux pharisiens et aux scribes de ne pas respecter le commandement de Dieu qui est le commandement de l’Amour. L’homme est fait pour aimer et rien ne peut l’empêcher d’aimer; c’est souvent ce qui sort de lui qui est contraire à l’Amour : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur » (Mc 7,15). Comme le dit bien Gérard Sindt : « Mieux vaut avoir les mains sales que pas de mains! » Ce qui signifie qu’il nous faut passer de la parole à l’action. L’exégète français Jean Debruynne ajoute : « C’est si facile de transformer les règlements en parapluie ». Ça nous protège des autres, mais ça nous empêche d’intervenir pour accueillir, accompagner, secourir, redonner la dignité et restaurer la justice pour ceux et celles qui en ont réellement besoin. Par la suite, après avoir pratiquer sa foi, on peut venir célébrer les mains sales, l’Amour qu’on a reçu et partagé.
En terminant, je voudrais simplement vous citer une parole du 13è siècle qui nous vient de saint Antoine de Padoue : « La parole est vivante, lorsque ce sont les actions qui parlent. Je vous en prie, que les paroles se taisent, et que les actions parlent. Nous sommes pleins de paroles mais vides d’actions ».
Bonne réflexion!
Bonne Homélie!
Raymond Gravel ptre
Diocèse de Joliette