vendredi 11 septembre 2009

ORDINAIRE 24 (B)

2è lecture : Jc 2,14-18

Évangile : Mc 8,27-35

La question posée par le Jésus de l’évangile de Marc et reprise par la suite par les évangélistes Matthieu et Luc, cette question donc est primordiale encore aujourd’hui, si on veut se définir comme croyant, comme chrétien, comme disciple du Christ. Qui est Jésus pour nous aujourd’hui? Il y a bien sûr les non-croyants qui savent que Jésus de Nazareth a existé. Pour eux, il a été un homme exceptionnel qui a révolutionné la société et la religion de son temps, mais sans plus. Pour d’autres croyants qui ne sont pas chrétiens, Jésus a été un prophète comme Mahomet, Bouddha, Moïse, Élie et plusieurs autres…Mais pour nous chrétiens, qui est-il au juste? À la lumière de l’évangile de Marc, on peut tracer à grands traits le personnage de Jésus de Nazareth, devenu Christ et Seigneur à Pâques. Mais pour nous aujourd’hui, quels visages lui donnons-nous dans nos vies de foi et dans notre Église? Que disons-nous de lui?

1. Jésus, un homme : On ne le dira jamais assez…Jésus de Nazareth a été un homme comme nous, un vrai homme, qui a vécu à une époque précise, dans un milieu précis. Comme homme, il s’est sans doute démarqué des autres hommes, puisqu’on en parle depuis 2,000 ans. Mais il n’en reste pas moins qu’il a assumé son humanité jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur une croix. Tous les évangiles qui sont des récits de foi, c’est-à-dire des récits construits après Pâques, dans la foi des premiers chrétiens, qui nous parlent d’un Jésus déjà transformé par la Résurrection, tous ces récits font pourtant allusion à son humanité. Dans l’évangile de Marc que nous avons aujourd’hui, on peut lire : « Et pour la première fois il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite » (Mc 8,31).

Mais attention! Il n’y a pas que les Docètes qui refusent l’humanité du Christ. Si Marc, par trois fois, fait dire à Jésus qu’il doit être rejeté des siens, qu’il doit souffrir et mourir, c’est parce que même chez les disciples, certains refusaient l’humanité de celui qui est devenu Christ et Seigneur à Pâques : « Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches » (Mc 8,32). Dans le fond, on a tellement de difficultés à vivre notre humanité dans toute sa fragilité, qu’en déshumanisant le Christ, on voudrait se déshumaniser soi-même, pour ne pas vivre le rejet, la souffrance et la mort. Mais ça ne marche pas comme ça : « Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : Passe derrière moi, Satan! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mc 8,33). Pierre représente ici tous les disciples du Christ de la communauté de Marc…

2. Jésus, un Messie, un Christ : Après la mort de Jésus sur la croix du Vendredi Saint, des hommes et des femmes qui l’avaient suivi ont pris conscience, peu à peu, que cet homme, ce prophète, ce révolutionnaire, était toujours vivant. Ils l’ont rencontré sur la route et ils l’ont reconnu. Pour eux, Jésus était non seulement le souvenir de l’ami qu’ils avaient côtoyé et aimé, mais il était devenu le Messie, le Christ, le Seigneur, présent et agissant à travers eux. Désormais, Jésus était devenu pour certains, quelqu’un d’autre : « Ils répondirent : Jean Baptiste; pour d’autres, Élie; pour d’autres, un des prophètes » (Mc 8,28). Mais pour les proches, il était plus que ça : « Il les interrogeait de nouveau : Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je? Pierre prend la parole et répond : Tu es le Messie (Christ) » (Mc 8,29).

Par ailleurs, le Messie que Pierre croyait reconnaître n’était que le Messie des hommes, le chef dont on attendait la libération d’Israël de l’oppression romaine. Le théologien français Gérard Bessière écrit : « Jésus ne voulait ni le pouvoir ni le prestige. Il s’adressait au cœur et à la liberté des hommes, il proposait l’amour et le pardon. Il savait que les puissants ne le supportaient plus et cherchaient à le supprimer. Il était le Messie pauvre et persécuté, celui qui affrontait la mort vers toutes les résurrections. Ceux qui veulent conduire l’humanité vers le haut gravissent tous, quelque jour, un chemin de croix ». Et c’est pourquoi, si on veut devenir ses disciples, nous n’avons d’autre choix que d’assumer notre propre humanité comme lui a assumé la sienne : « Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive » (Mc 8,34).

3. Jésus, nous : Aujourd’hui encore, croire en Jésus : homme, prophète, Fils de Dieu, Sauveur, Messie, Christ et Seigneur, c’est d’abord croire en nous, en notre humanité déjà transformée par lui, parce qu’habitée par son Esprit. À la fin de l’évangile d’aujourd’hui, Marc écrit : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera » (Mc 8,35). Ce qui veut dire que c’est en vivant notre humanité jusqu’au bout, en adoptant ses valeurs à lui, en le laissant agir à travers nous, que nous pouvons espérer le rendre vivant dans notre Église. Ce n’est pas tout de dire que nous avons la foi; il faut que ça paraisse, et pour se faire, il faut passer de la parole à l’action. En 2è lecture aujourd’hui, saint Jacques le dit explicitement : « Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : Tu prétends avoir la foi, moi, je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi » (Jc 2,17-18).

Si c’est à travers nous que Christ peut parler et agir aujourd’hui, ça veut dire que sa présence ne peut être enfermée dans un dogme, une règle, une Église ou un temple. Sa présence est toujours nouvelle; elle ne peut être figée dans une définition. L’exégète français Jean Debruynne écrit : « Jésus est en route. Jésus est en marche et c’est en chemin que Jésus pose la question de son identité : Qui suis-je? L’identité de Jésus n’est donc pas une définition, un extrait de naissance ou une carte de séjour. L’identité de Jésus est un chemin. C’est une révélation et justement pour les gens les réponses rapportées par les disciples à la question de Jésus sont des réponses enfermantes : Jésus est identifié à des modèles connus : Jean-Baptiste, Élie ou un autre prophète…Pour Pierre, Jésus est le Messie, mais que veut dire le mot Messie? »

C’est à nous d’y répondre, mais notre réponse dira la qualité de notre foi et l’espérance qui nous habite…

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette