mercredi 11 novembre 2009

ORDINAIRE 33 (B)

Sachez que le Fils de l’homme est proche

Marc 13, 29

À la fin de chaque année liturgique, les textes bibliques qui nous sont proposés nous parlent de la fin des temps. Les auteurs utilisent un procédé littéraire qu’on appelle apocalypse. Mais attention! Apocalypse n’est pas synonyme de catastrophe, comme le laisse entendre certains de nos contemporains. Au contraire, apocalypse signifie révélation, ce qui veut dire : annonce d’une Bonne Nouvelle, dans des moments difficiles à vivre. Aujourd’hui, nous avons 2 exemples de ces événements tragiques qui servent de tremplins pour susciter l’espérance des croyants.

1. Apocalypse de Daniel : Le livre de Daniel a été écrit dans des circonstances dramatiques. Nous sommes en l’an 164 avant notre ère. Le roi grec Antiochus IV, soutenu par un groupe de Juifs hellénisés, a décrété la fin du Judaïsme. Imaginez : Depuis l’an 167 av. J-C., dans l’empire grec, le Temple de Jérusalem est consacré à Zeus. La population juive restée fidèle à Yahvé, le Dieu de l’Alliance, est pourchassée et persécutée. Le sang des martyrs coule à flot. Alors, l’auteur du livre de Daniel raconte les événements et il les interprète en utilisant le style apocalyptique. Pour lui, il s’agit donc de la fin des temps, du combat de la fin qui s’achèvera par la victoire finale de Yahvé sur les forces du mal, sur les divinités païennes.

Le passage qu’on lit aujourd’hui raconte l’intervention divine par l’intermédiaire de l’archange Michel, le chef des armées célestes. Au moment où tout semble perdu, Israël sera sauvé par Dieu. Cependant, surgit un gros problème. Vous savez que chez les Juifs, on ne croyait pas en la Résurrection après la mort. On croyait à une sorte de rétribution en cette vie, selon le bien ou le mal qu’on faisait; de sorte que si quelqu’un était bon, Dieu le bénissait, lui et sa famille. Il le protégeait du mal. S’il était mauvais, la malédiction était sur lui durant sa vie. Mais voilà que durant cette période grecque, plusieurs Juifs ont été martyrisés à cause de leur fidélité au Dieu de l’Alliance. Qu’arrivera-t-il à ceux-là, puisqu’ils sont morts martyrs? Et c’est là que naît l’idée de la Résurrection. Il n’est pas possible que les martyrs soient morts en vain! Le prophète Daniel écrit : « Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles » (Dn 12,2).

Pour les croyants de cette époque difficile, c’est une question de justice : ceux qui sont demeurés fidèles à Dieu doivent être récompensés et ceux qui les ont martyrisés doivent être punis. Le concept de rétribution qui s’appliquait en cette vie seulement, voilà qu’il est étendu au-delà de la mort, à la Résurrection. Cette foi en la Résurrection individuelle sera adoptée par le Judaïsme de tendance pharisienne, alors qu’elle sera rejetée par les Sadducéens. On peut le voir dans l’évangile de Marc lorsque les Sadducéens posent une question à Jésus sur la femme qui meurt et qui a eu 7 maris… Avec lequel se retrouvera-t-elle dans l’au-delà? (Mc 12,18-27).

Par ailleurs, pour les chrétiens qui lisent le livre de Daniel, ils reconnaissent le Christ lumière et maître de Justice dans le verset suivant : « Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles » (Dn 12,3).

2. Apocalypse de Marc : L’évangéliste Marc a son discours apocalyptique lui aussi, non pas pour prédire une catastrophe, mais bien pour annoncer un monde nouveau. Le retour du Seigneur que Marc annonce, juste avant d’entamer le récit de la passion de Jésus, c’est déjà l’annonce de la Résurrection. C’est la victoire de la vie sur la mort; c’est le jour vainqueur de la nuit. C’est comme si nous assistions à une seconde naissance du monde, à une nouvelle création, à un nouveau commencement. Et tout le cosmos y participe : « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées » (Mc 13,24-25), et toute la création est concernée : « Il (le Fils de l’homme) enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel » (Mc 13,27).

Qu’est-ce que ça veut dire tout ça? Marc écrit son évangile à Rome vers 70 de notre ère. Le Temple de Jérusalem vient d’être détruit par les Romains, les chrétiens sont dénoncés et massacrés par les empereurs successifs : Néron, Domitien, Claude et les autres. Ce que l’évangéliste annonce, ce n’est pas une catastrophe; c’est la fin d’un régime oppressif et inhumain, et l’avènement d’un monde meilleur. Les astres qui sont vus comme des divinités chez les Romains, seront ébranlés et le salut est offert à tous, sans exception, des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel (Mc 13,27b). Et pour bien montrer qu’il s’agit d’un monde nouveau, d’une vie nouvelle qui surgit, la comparaison avec le figuier annonce, non pas l’automne et la saison morte, mais bien le printemps de ce monde nouveau avec toutes ses promesses de vie : « Que la comparaison du figuier vous instruise : Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche » (Mc 13,28). Donc, si Christ est ressuscité, et de fait il l’est, puisque Marc écrit après Pâques, dites-vous bien que l’été est proche et que le monde nouveau est déjà né, même si ça ne paraît pas encore.

Et la question de savoir le moment où ça paraîtra, le Christ de l’évangile de Marc répond : « Quand au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » (Mc 13,32). Ce qui veut dire pour tous les Témoins de Jéhovah de ce monde : Arrêtez de prédire la fin du monde! Ça ne donne absolument rien. Au contraire, participez à la croissance du monde nouveau, commencé à Pâques et qui se continue encore aujourd’hui, à travers nous. Et la seule façon d’y participer, c’est par notre engagement à rendre le monde meilleur, c’est-à-dire rétablir la justice, redonner la dignité à ceux et celles qui l’ont perdue et rendre compte de l’espérance qui nous habite.

En terminant, en 2e lecture aujourd’hui, qui fait suite à celle de la semaine passée, l’auteur de la lettre aux Hébreux nous dit explicitement que le sacrifice du Christ sur la croix du Vendredi Saint, donne à ceux qui le reconnaissent, la sainteté : « Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté » (Hb 10,14), et le pardon définitif de leurs limites et de leurs péchés : « Quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour les péchés » (Hb 10,18). Et c’est pourquoi, dit le théologien belge Jacques Vermeylen : « À partir de ce texte christologique, il est possible de développer une réflexion sur les pratiques chrétiennes. Le prêtre chrétien n’est pas un hiereus, spécialiste du sacré, comme ceux de la Première Alliance et d’autres religions, et c’est pourquoi parler de sacerdoce à son sujet est pour le moins ambigu. D’autre part, s’il est vrai que le sacrifice efficace a été offert une fois pour toutes par le Christ, parler du sacrifice de la messe ne peut se faire sans précautions ».

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette