Ordinaire 13 (B) : 28 juin 2009
1ère lecture : Sg 1,13-15; 2,23-24
2ème lecture : 2 Co 8,7.9.13-15
Évangile : Mc 5,21-43
Vie et mort : de quel côté se tient le Seigneur?
À la lecture des textes bibliques d’aujourd’hui, en particulier la 1ère lecture et l’évangile, cette question est percutante : notre Dieu veut-il la mort ou la vie? Encore aujourd’hui, on entend trop souvent des gens dire que Dieu fait mourir. Et pourtant le livre de la Sagesse écrit entre 50-30 av. J.-C., et l’évangile de Marc écrit vers 70 de notre ère, disent le contraire. Dieu nous veut vivant et lorsque la vie nous échappe, il la restaure et nous la redonne. Quelle Parole de Dieu pouvons-nous proclamer aujourd’hui, à partir des textes qui nous sont proposés?
La justice est immortelle : Si on lit bien l’extrait du livre de la Sagesse qui nous est proposé aujourd’hui (malheureusement, la liturgie a coupé deux développements sur l’erreur de ceux qui ne croient qu’à cette vie et sur le sort du juste persécuté), on se rend compte que la vie voulue par Dieu ne consiste pas seulement à respirer, mais comporte de la dignité, donc une qualité de vie. Sinon, il ne peut y avoir de vie. Pour comprendre, il nous faut situer cet extrait dans son contexte historique : Nous sommes à Alexandrie en 26 av. J.-C. La science a déjà bien progressé; la justice laisse à désirer. On refuse aux Juifs le droit de citoyenneté. On réprime à tours de bras; on condamne pour rien. Voilà pourquoi l’auteur dit que la justice est inconciliable avec la mort. Car Dieu aime la vie. Et si les médecins sont capables de faire des produits non empoisonnés, pourquoi les hommes n’en feraient-ils pas autant pour vivre ensemble? Malheureusement, on assiste à une oppression et une exploitation croissante des pauvres de la part de dirigeants sans scrupules qui ne se soucient que de leur confort. Ceux-là sont diaboliques, c’est-à-dire adversaires de Dieu, car c’est par eux que la mort est entrée dans le monde. C’est de cette façon que s’exprime l’auteur du livre de la Sagesse : « La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience » (Sg 2,24).
Mais attention! Les adeptes du diable ne sont pas nécessairement ceux qu’on pense…Ce sont ceux qui sont injustes, c’est-à-dire qui exploitent, oppriment et maintiennent les autres dans la pauvreté et la misère. Dans le fond, l’affirmation solennelle de l’auteur du livre de la Sagesse : « Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image (litt. une idiotie) de ce qu’il est en lui-même » (Sg 2,23). Le théologien Gérard Sindt écrit : « Ce terme idiotie aujourd’hui péjoratif indique ici la singularité irréductible de Dieu. Son originalité est justement de n’exister que pour faire vivre. Ce que la médecine balbutiante du temps peut faire, pourquoi la société ne le pourrait-elle pas en acceptant le Dieu de la Vie? » Cependant, pour accepter le Dieu de la Vie, il faut travailler à restaurer la justice; sinon, la vie est impossible. C’est très actuel comme pensée, car aujourd’hui encore, la justice reste à faire pour que les hommes et les femmes puissent vivre dans la dignité.
L’égalité est nécessaire : Voici le contexte historique de la 2è lettre aux Corinthiens. L’Église de Jérusalem est en difficulté et les communautés fondées par Paul ont décidé de faire une collecte pour lui venir en aide. Les Corinthiens ont été les premiers à vouloir la solidarité, mais ils tardent à passer à l’acte, et Paul les relance. C’est une question de justice, mais aussi d’égalité, en grec : isotês. Et l’argument de Paul, c’est de dire aux Corinthiens : Vous avez reçu beaucoup; vous devez donner davantage : « Puisque vous avez reçu largement tous les dons : la foi, la Parole et la connaissance de Dieu, cette ardeur et cet amour que vous tenez de nous, que votre geste de générosité soit large, lui aussi » (2 Co 8,7).
Et saint Paul donne en exemple le Christ Jésus : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8,9). C’est une question d’égalité, et celle-ci est nécessaire pour donner de la dignité à la vie. Encore une fois, ce texte de saint Paul est très actuel dans notre Église d’aujourd’hui, où la vie de certaines communautés n’est plus possible, parce que devenues trop pauvres pour subsister. Que faire? C’est à nous d’en décider!
L’Église doit donner la vie : À travers ce récit de Marc de la double guérisons de Jésus, nous sommes plongés en pleine liturgie. Deux femmes, symboles de l’Église naissante : une jeune fille de 12 ans, qui ne peut devenir féconde, parce qu’elle se meurt et une femme, anonyme celle-là, qui a perdu sa fécondité depuis 12 ans, parce que rejetée et exclue de la communauté. Toutes les deux, touchées par le Christ sont guéries et peuvent donner la vie. Il réveille, relève, ressuscite la première sur la foi de son père Jaïre qui signifie il illumine, et il réintègre la seconde dans la communauté sur sa propre foi à elle; elle qui était rejetée et exclue, elle prend le risque de sortir de l’anonymat, parce que sa foi est plus grande que son exclusion. Toutes les deux donc, redeviennent fécondes, comme s’il s’agissait d’un baptême au nom du Christ ressuscité. Et la liturgie se continue par l’invitation à l’Eucharistie. En parlant de la jeune fille, Jésus leur dit de la faire manger (Mc 5,43). L’Église qui a pour mission de donner la vie, doit elle-même se nourrir du Pain de Vie qu’est le Christ de Pâques.
Encore une fois, ce récit est très actuel pour nous chrétiens d’aujourd’hui. L’Église qui se doit d’être maternelle, ne peut l’être qu’à travers nous, les croyants. En refusant d’être féconds, de donner la vie, on est comme cette jeune fille qui se meurt, et, en refusant à d’autres d’être féconds, on condamne des chrétiens, comme cette femme de l’évangile, au rejet, au mépris et à l’exclusion. Et pourtant, dans les deux cas, seule la foi au Christ ressuscité peut guérir et sauver…et ce n’est pas aux autres, même aux dirigeants de l’Église d’en décider. Le théologien Marcel Metzger écrit : « Cette proclamation d’évangile nous invite à la contemplation : reconnaissons les merveilles de Dieu, non seulement dans le passé, mais encore dans le présent. Les gestes du Christ dans cet évangile annoncent ceux qu’il accomplit aujourd’hui au sein de son Église : il nous atteint de sa main bienfaisante et il se laisse toucher, il relève et guérit par tous les gestes de communication et de communion accomplis dans nos célébrations. Il donne à son peuple une mission maternelle, qui ne peut s’accommoder d’un rétrécissement de l’Église à la seule hiérarchie! »
Et je termine par cette belle réflexion de l’exégète français Jean Debruynne qui dit : « Il s’agit de deux guérisons. Une petite fille qu’il faut guérir de la mort et une femme qu’il faut guérir de ses pertes de sang, c’est-à-dire de sa vie qu’elle perd, de la vie qui s’en va. D’abord, il n’y a pas d’âge pour guérir. Il est toujours temps de guérir. Ensuite Jésus est celui qui guérit. Jésus ne fait pas de beaux discours sur la souffrance des autres. Jamais Jésus n’a osé recommander d’offrir sa souffrance en sacrifice à Dieu. Jésus ne fait que guérir. Il guérit du mal et de toutes les morts ».
Bonne réflexion!
Bonne Homélie!
Raymond Gravel ptre
Diocèse de Joliette