samedi 18 juillet 2009

ORDINAIRE 16 (B)

1ère lecture : Jr 23,1-6

2è lecture : Ép 2,13-18

Évangile : Mc 6,30-34

Retour de mission des apôtres (des envoyés) auprès du Maître, compte-rendu du travail effectué auprès des gens, invitation au repos qui sera de courte durée, car la demande est grande : « Jésus leur dit : Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger » (Mc 6,31). Par ailleurs, même en vacances, la mission ne s’arrête pas. Les gens ont faim et soif d’une Parole. Ils ont besoin d’entendre une parole de réconfort, une parole d’espérance. Ils ont besoin de pasteurs qui les accompagnent sur la route parfois difficile de leur existence. Ils ont besoin d’une Bonne Nouvelle de salut. À la lecture des textes bibliques qui nous sont proposés ce dimanche, quels messages pouvons-nous en tirer? Et où en sommes-nous aujourd’hui?

Pasteurs demandés : Le prophète Jérémie, tout comme le prophète Amos de la semaine passée, dénonce avec virulence l’arrogance, le mépris et l’incompétence de ceux qui ont pour mission de guider, de rassurer et d’accompagner le peuple. Ces dirigeants sont de mauvais bergers qui servent beaucoup plus leurs intérêts personnels que ceux du peuple dont ils ont la charge : « Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage! » (Jr 23,1). « À cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles » (Jr 23,2b). Que faire? Attendre et espérer que de vrais pasteurs, soucieux du droit et de la justice, prennent la relève. C’est ce que Jérémie annonce : « Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai dispersées. Je les ramènerai dans leurs pâturages, elle seront fécondes et se multiplieront. Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront; elles ne seront plus apeurées et accablées, et aucune ne sera perdue, déclare le Seigneur » (Jr 23,3-4). Le prophète Jérémie annonce donc un Messie, issu de David, qui saura rétablir le droit et la justice : « Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : Le-Seigneur-est-notre-justice » (Jr 23,6).

Mais cette prophétie de Jérémie s’est-elle vraiment réalisée? Au temps de Marc, les missionnaires de l’Évangile constatent que les gens sont laissés à eux-mêmes. Ils se font courir après; de sorte qu’ils n’ont même pas le temps de manger (Mc 6,31). Aussi, la barque de l’Église se dirige dans un endroit désert (Mc 6,32), les apôtres (les envoyés) veulent se reposer, mais la foule les précède; elle a soif d’une Parole de vie et d’espérance. Marc nous dit que le Christ est ému aux entrailles et il leur enseigne beaucoup de choses : « En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement » (Mc 6,34). Et pourtant, de Jérémie à Marc, il s’est écoulé plus de 5 siècles. Comment se fait-il qu’il y a encore pénurie de pasteurs, de bergers? Et qu’en est-il aujourd’hui, 20 siècles plus tard?

Pasteurs selon le cœur de Dieu : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur » (Jr 3,15a). N’est-ce pas une promesse du prophète Jérémie? Qu’est-ce que ça veut dire? Y a-t-il aujourd’hui de ces pasteurs, selon le cœur de Dieu? Je crois que oui, mais, malheureusement, ils ne se trouvent pas là où l’on pense. Le modèle de ce type de pasteurs, c’est le Christ lui-même. Dans l’extrait de la lettre aux Éphésiens que nous avons aujourd’hui, saint Paul décrit très bien ce que le Christ a été et est encore pour nous : Il nous a réconciliés avec le Dieu de l’Alliance : « Vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l’Alliance, vous êtes maintenant devenus proches par le sang du Christ » (Ép 2,13). Il a aboli toutes les divisions : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine » (Ép 2,14). Il a créé l’Homme nouveau qui n’est plus sujet de la loi de Moïse : « En supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse, il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau » (Ép 2,15). Unis dans l’Amour en un seul corps, l’Église, il a tué la haine (Ép 2,16). Il annonce la paix pour tous : « Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour eux qui étaient proches » (Ép 2,17). Finalement, il nous habite de son Esprit et nous donne accès au Père (Ép 2,18).

2,000 ans après l’événement de Pâques, où en sommes-nous aujourd’hui dans notre Église? Si Christ nous rassemble et nous réconcilie entre nous, avec Dieu, comment se fait-il que l’Église, Corps du Christ soit encore autant divisée? Notre Église est devenue tellement dogmatique, doctrinaire et légaliste, qu’elle a perdu le sens de sa mission qui consiste à rassembler et à réconcilier. Au temps de Marc, les gens de toutes les villes accouraient pour être enseignés par les apôtres. Aujourd’hui, ils sont devenus complètement indifférents, non pas du Christ de l’Évangile, mais bien des dirigeants de l’Église qui prétendent encore le représenter. Serions-nous à ce point déconnectés de la réalité des hommes et des femmes de notre temps, pour que les foules cherchent ailleurs une Parole de réconfort, un message d’espérance? L’Église serait-elle devenue élitiste? Si c’est le cas, elle ressemble beaucoup plus à la religion de l’Ancien Testament qu’à l’Église du Christ de Pâques. Et pourtant, on continue de se réclamer du Ressuscité!

Quand la foi est assujettie à des doctrines qui empêchent toute créativité, la sclérose s’installe. Quand, au nom de la religion, on exclut et on condamne des pauvres, des mal aimés, des blessés de la vie, et qu’on ne dit rien de ceux qui exploitent les autres, qui écrasent les petits et qui portent atteinte à leur dignité, comme pasteurs et comme bergers, on perd toute crédibilité. Quand la règle prime sur la personne humaine, l’enseignement se réduit en permis et en interdits, et il n’y a plus personne pour l’écouter. Notre Église est vraiment malade; elle a besoin de vrais pasteurs : des hommes et des femmes qui portent l’Évangile à bout de bras, qui ne s’enfargent pas dans les fleurs du tapis et qui sont capables de rassembler et de réconcilier. De vrais prophètes qui savent défendre la justice, même au prix de leur propre vie. Des pasteurs selon le cœur de Dieu, ce sont des personnes qui sont capables d’aimer, sans discrimination, sans condamnation et sans exclusion. Heureusement, il y en a plusieurs…Il ne nous reste qu’à les reconnaître et qu’à les écouter!

En terminant, je voudrais simplement vous citer ce beau commentaire du théologien Charles Wackenheim : « Rassembler signifie alors réconcilier. Des frères ennemis, Jésus a fait un seul corps en les réconciliant avec Dieu. Nous ne saurions nous dire ses disciples si nous n’oeuvrons pas inlassablement pour la réconciliation entre les hommes. Car des murs de la haine, il en subsiste un bon nombre. Sommes-nous de ceux qui s’obstinent à les abattre et à en empêcher d’autres de s’édifier? » Une chose est certaine, dans l’Église actuelle, on dresse des barricades, on érige des murs et on durcit des règles qui empêchent les foules d’y entrer. Quelle tristesse! De grâce, réveillons-nous avant qu’il ne soit trop tard!

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre

Diocèse de Joliette